La première chose qui s’affiche après la générique Universal Warner Bross, c’est le logo de Mattel. C’est clair, le spectateur sait tout de suite où il est et qui finance le projet.
On est projeté à Barbie Land, un monde factice et tout rose et en plastique (des maisons sans façades, ni escaliers, des verres sans liquide, des douches sans eau, etc.). On y rencontre toutes sortes de Barbies : une Barbie présidente, des Barbies prix Nobel, des spationautes, des pilotes de ligne. Ça c’est pour les qualités sociales et intellectuelles infinies des Barbies. Et comme on est dans la bien pensance, la réalisation n’a pas oublié d’ajouter une Barbie obèse (une seule), une Barbie en fauteuil roulant (une seule aussi) et quelques Babies noires. Même le Mont Rushmore est barbisé. Et sur la plage vivent les Kens qui sont en concurrence entre eux pour plaire aux Barbies. Certaines chorégraphies ont des relents de Bollywood. Ça, c’est le joli monde des escarpins roses.
Mais l’envers du décor, c’est le monde des Birckenstock… Le vrai monde, le nôtre, bien moche, tout patriarcal et vulgaire
Voilà donc pour les décors. Mais il y a des tas de niveaux de lecture. On peut y voir un film féministe, un brûlot contre le patriarcat. Ce film véhicule indéniablement un message féministe au 33ème degré mais qu’il faut peut-être nuancer. J’y vois aussi une réflexion sur l’adhésion plus ou moins consciente, plus ou moins volontaire des femmes au modèle patriarcal, une adhésion qui est encouragée dans l’enfance quand on leur colle des poupons entre les mains. Il est vrai que Barbie, si elle n’est pas sexuée, est néanmoins une femme adulte dans laquelle les fillettes pouvaient se projeter au lieu de jouer aux petites mamans. Néanmoins la coïncidence parfaite de son physique avec les critères esthétiques en cours depuis sa création ne fait pas d’elle un étendard du féminisme.
Alors, pourquoi Mattel promeut-t-il un discours féministe dans ce film alors que tout dans sa poupée crie le contraire ? Autre question : est-il raisonnable d’offrir des poupées aux petites filles ?
Quand on y réfléchit bien : à qui profite le film ? Qui va gagner le jackpot ? C’est l’un des plus grands succès du box-office. Donc, la production a réussi son coup. Suite de la réponse sans doute à Noël 2023. Il faudra examiner la croissance des ventes de Barbie.
Bref ce film est plein d’ambiguïtés, plus compliqué qu’il n’y paraît, avec de nombreux niveaux de lecture. Féministe ? Pas féministe ? Escarpins roses ? Birkenstock ? A vous de voir.
Mes personnages préférés : Allan qui n’est pas un Ken et Gloria qui est une vraie femme
Quelques répliques
« Depuis la nuit des temps depuis l’existence de la toute première petite fille, il y a eu des poupées . Mais ces poupées étaient toujours et sans cesse des bébés, et les fillettes qui jouaient à la poupée étaient condamnées à jouer à la maman. Ça peut être amusant, du moins pendant un certain temps. Demandez à votre mère. Et ce fut comme ça jusqu’au jour où…«
« Barbie passe tous les jours une bonne journée, mais lui, passe une bonne journée seulement si Barbie le regarde.«
« Oui c’est une journée de rêve, comme hier, comme après-demain, et même le mercredi, comme toutes les journées à partir de maintenant et pour toujours !«
« C’est toi et toi seule qui dois réparer cette brèche. J’y suis pour rien, moi. Plains toi à Mattel c’est eux qui font les règles.«
« On aurait pu penser qu’un chantier en milieu de journée ça aurait l’occasion parfaite de voir les femmes exercer leur pouvoir. Mais là c’était très… masculin. »
« Ok Barbie, tu l’auras voulu. Les femmes se sentent super mal dans leur peau depuis que t’as été inventée. Tu représentes tout ce qui est moche dans notre culture, la sexualité aux mains du capitalisme, des standards de beauté irréalistes. […] T’as fait reculer le mouvement féministe de 50 ans, t’as détruit le sens des valeurs féminines et tu bousilles la planète en glorifiant le consumérisme effréné. «
« Moi je suis un homme sans pouvoir. Est-ce que ça fait de moi une femme ?«
« Ecoutez, je sais exactement où vous voulez en venir, alors je vais être clair, c’est tout à fait déplacé. Notre entreprise est composée essentiellement de femmes, notre PDG était une femme dans les années 90 et il y en a eu encore une autre à … hum … à une autre époque. Donc ça fait deux au total. Les femmes sont les fondations de cette, cette très haute tour… phallique pour ainsi dire. On a des toilettes non genrées maintenant, il y en a pour tous les derrières. Chacun des hommes ici présents aime une femme. Je suis le fils d’une mère. Je suis la mère d’un fils… hum… Je suis le neveu d’une femme qui est ma tante. Certains de mes meilleurs amis sont juifs. Ce que je me tue à vous dire, c’est … hum … entrez dans cette boite espèce de garce. Ben quoi ? J’ai pas le droit de dire garce ?«
« Tout le monde déteste les femmes. Les femmes détestent les femmes, les hommes détestent les femmes, y a que là-dessus qu’on est d ‘accord. »
« Être une femme c’est terriblement compliqué. Tu es si belle et si intelligente. Ça me rend malade quand je t’entends dire que t’es pas assez douée. En fait il faut toujours qu’on soit extraordinaires. « Mais en même temps on fait toujours les choses de travers. Tu dois être mince mais pas trop et t’as pas droit de dire que tu as envie d’être mince. Il faut que tu dises que tu veux être en bonne santé mais tu dois aussi être mince. C’est ça. Il faut que tu aies de l’argent mais tu ne dois pas en demander parce que c’est vulgaire. Tu dois commander mais il faut pas que tu sois dure, tu dois diriger mais tu peux pas imposer tes idées. Tu es censée aimer être mère mais ne parle pas tout le temps de tes gosses. Ta carrière doit être ta priorité mais tu dois aussi t’occuper des autres en permanence. Tu dois te justifier quand un homme se comporte mal. Ce qui est insensé et si tu dénonces ça, on t’accuse de te victimiser. Tu dois toujours te faire belle pour les hommes mais pas trop, sinon tu es une allumeuse ou une menace pour les autres femmes parce que tu comprends, tu dois être solidaire, mais tout en te démarquant. Tu dois te montrer reconnaissante mais ne jamais oublier que le système est truqué. Donc montre que tu n’es pas dupe, mais sois toujours reconnaissante. T’as pas le droit de vieillir, t’as pas le droit d’être insolente, t’as pas le droit de te faire remarquer, d’être égoïste, d’échouer, de montrer que tu as peur. T’as pas le droit de sortir du rang, c’est trop dur, c’est trop contradictoire. Et ne t’attends pas à recevoir une médaille ou un merci. Tout cela pour dire que tu fais tout de travers mais que tout ce qui arrive est de ta faute. Je suis découragée, je vois qu’on passe notre temps à faire des efforts. Que chacune de nous les femmes, on se met dans tous nos états pour être simplement considérée. Et si tout cela est vrai aussi pour une poupée qui est censée représenter une femme, alors je ne sais plus quoi penser. «
Fiche technique
Réalisation : Greta Gerwig
Scénario : Noah Baumbach et Greta Gerwig
Musique : Mark Ronson et Andrew Wyatt
Décors : Sarah Greenwood
Costumes : Jacqueline Durran
Photographie : Rodrigo Prieto
Montage : Nick Houy
Production : David Heyman, Margot Robbie, Tom Ackerley et Robbie Brenner
Sociétés de production : Heyday Films, LuckyChap Entertainment, NB/GG Pictures et Mattel Films
Société de distribution : Warner Bros Pictures
Budget : 145 millions de dollars
Pays de production : Etats-Unis et Royaume Uni
Distribution
Margot Robbie : Barbie Stéréotypée
Ryan Gosling : Ken Plage
America Ferrera : Gloria
Michael Cera : Allan
Ariana Greenblatt : Sasha
Kate McKinnon : Barbie Bizarre
Issa Rae : Barbie Présidente
Alexandra Shipp : Barbie Écrivaine
Simu Liu : Ken Rival
Kingsley Ben-Adir : Ken Basketteur
Scott Evans: Ken Stéréotypé
Rob Brydon : Ken Sugar Daddy
Helen Mirren: la narratrice
Will Ferrell : le PDG de Mattel
Laisser un commentaire